Posté le 08/04/2011 à 15:32
Bonjour !
Aujourd'hui pour des raisons sanitaires j'ai du fuir mon appartement.
Quand je dis "raisons sanitaires", n'allez pas imaginer que je me vautre dans la crasse, que ma literie est prise d'assaut par des puces ou que mon faux plafond croule sous la moisissure. C'est juste qu'hier soir, en faisant l'expérience d'une recette du site dont je tairais le nom ici par respect pour son créateur (et aussi je n'ai pas envie de me faire prendre pour délation), une forte odeur de brûlé-cramé-cramoisi émanant de mon micro ondes a envahit mon intérieur et je n'arrive pas à m'en débarrasser.
J'ai bien essayé toutes les astuces à base de lait, de vinaigre blanc, de javel, de gingembre et de citron, rien y fait : chez moi ça pue !
Donc j'ai décidé de laisser ma maison ouverte aux quatre vents et pour ne pas risquer d'accident avec mes petits face à mes grandes fenêtre ouvertes, nous allons passer la journée dehors.
Au saut du lit, comme à mon habitude, je consulte Nelson (le pèse personne) pour savoir quelle sera la tendance...
Nelson est un filou ! Il a vu les beaux jours arriver et aimerait voir mon décolleté s'agrandir, alors il m'annonce une bonne nouvelle : je m'allège !
Un coup d'oeil à Edouard (le miroir) qui me confirme le verdict : aujourd'hui je me sens jolie.
Après avoir préparé tout le monde, j'enfile donc mon petit haut avec le décolleté danseuse que Nelson aime bien, celui qui cache l'épaisseur de mon ventre et dénude la finesse de ma nuque. Les cheveux relevés en chignon, quelques mèches entourent mon visage, un voile de rouge à lèvre, un trait d'eye liner, quelques gouttes de parfum et des petits talons, le tour est joué ! Aujourd'hui je suis belle.
Je m'en vais donc d'humeur légère et le coeur vaillant avec mes enfants sous le bras, mon appartement baigné de soleil et aéré avec l'intime conviction qu'aujourd'hui rien ne peut m'atteindre !
5 étages plus bas, j'installe les enfants dans leur poussette, j'ouvre la porte de mon immeuble et le doux chant du marteau-piqueur me rappelle que oui, c'est bien ça le bruit abominable que j'entends résonner depuis 8h tous les matins chez moi depuis une semaine.
Courage : fuyons !
Premier test : les ouvriers de chantier.
Car je suis de ces femmes qui ont décidé de s'alarmer le jour où les ouvriers de chantier cesseront de les siffler dans la rue. Je sais c'est idiot mais je suis comme ça.
Je traverse donc la zone de travaux, un ouvrier se décale pour me laisser passer et me sourit (ouf!)
"Quels beaux bébés !" me hurle-t-il (il avait gardé son casque anti bruit)
Euh... oui, bon mes enfants sont magnifiques mais et moi ?
Tant pis ! Je me fais une raison et après tout, il a surtout vu arriver une poussette chargée à bloc poussée par une bientôt frêle jeune femme (modestement : moi) dont la dextérité égalait celle d'un pingouin enfilant des perles...
Je passe ensuite devant les Danaïdes, une des brasseries les plus courues de Marseille avec sa belle grande terrasse pleine de jeunes cadres dynamiques faisant mine de feuilleter Libé à cette heure matinale de la journée.
Les regards cachés derrière des rayban restent fixes, soi disant plongés dans leurs lecture, mais je ne suis pas dupe... Je suis experte en matage et je connais très bien la technique !
Je passe et je sais que dans cinq mètres, ils tourneront la tête pour évaluer ma silhouette de dos...
Un pas, puis deux, trois et chtoc ! Je me retourner pour les griller !
Et là... Rien !
Ils sont vraiment en train de lire les bougres !
Ma parole, ils ont mis Monica Belluci toute nue dans Libé ou quoi !???
Allez je continue.
Je passe à travers le marché en m'attendant à entendre retentir les "allez ils sont beaux mes ananas, ils sont beaux mes ananas" et les "allez on y va pour la banane on goûte ma banane mesdames" sur mon passage mais là aussi, rien, pas une réaction, juste un "qui en veut de ma morue ? Qui en veut de ma morue ?" à fusé au loin.
Bouh.
Allons allons Juliette, ne traîne pas, continues ton petit bonhomme de chemin et file au parc comme convenu pour satisfaire la passion du toboggan de ton petit pirate. Il y aura certainement un ou deux papas dévoué en RTT caché derrière un bébé ressemblant à son affreuse maman pour tailler la bavette avec toi.
Avant même d'atteindre le parc, on me hèle : "Excusez-moi madame !" (homme petite quarantaine)
Un "mademoiselle" m'aurait suffit mais je m'arrête et le gratifie d'un beau sourire.
"Bonjour !"
"Bonjour, je peux vous poser une question ?"
"Oui bien sûr"
Si il me propose un café, je lui réponds que j'ai déjà rendez-vous avec Brad Pitt, si c'est pour mon numéro de téléphone, je lui donne celui de l'horloge parlante du Sri Lanka et si c'est pour mon prénom je m'appelle Josette.
"Vous l'avez payé combien votre poussette ?" Intéressé en plus.
"On me l'a offerte, moi j'ai pas d'argent, je suis surendettée, au chômage, èrèmiste et je vis en foyer !" (de mes années de jeunesse, j'ai appris à éloigner les hommes vénals)
"Ok merci"
De toutes les façons avec son survêt' de l'OM, je suis sûre qu'il n'a aucun goût !
Une fois au parc, à part un papa qui s'extasie devant les beaux yeux de ma fille, rien pour moi, même pas un sourire croisé, ni même un clin d'oeil de camionneur et pas non plus de regard jaloux d'une nana quelconque en quête de jolie silhouette pour cette été.
Je suis transparente.
C'est vrai qu'elle est belle ma fille.
On s'amuse, mes enfants s'éclatent et avant de rentrer, je décide de m'arrêter à la boulangerie...
Ma jeune et jolie boulangère saura me dire quelque chose elle au moins !
Elle connaît toute ma collection de boucles d'oreilles, remarque le moindre changement capillaire et me demande régulièrement des nouvelles de mon régime.
Elle, ce sera le test !
J'entre dans la boutique : "Bonjour A qui ça vient ?" lance-t-elle
"Bonjour ! Une baguette !" Avec mon super sourire numéro 34 et en rentrant légèrement le ventre.
"Vous allez bien ?" qu'elle me demande.
"Oui, merciii !" sourire numéro 87
"70 centimes, merci , au revoir !"
Je paye, je soupire, je la salue, je pars.
Re ouvriers de chantier et re "oh qu'ils sont beaux ces bébés !" "Oh les beaux yeux !" "Oh le beau sourire !".
Je les remercie d'un sourire et je regagne mon appartement (dont l'odeur persiste).
Une fois chez moi, mon petit pirate dans les bras regarde dans le miroir et lui qui sait à peine parler articule maladroitement "pebô pebô !" en nous pointant du doigt.
"Oui tu es beau mon ange !" et je l'embrasse.
Il insiste "pebô, pebô !" en me regardant et en me pointant de doigt. Puis me dit un "titaime" fatal.
Mon coeur flanche.
Aujourd'hui est une belle journée !
Juliette
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